Chapitre 4 – L’Amazone – Tome 1
Le retentissement de la sonnette me tira de ce sommeil de plomb. D’abord difficilement, car mes membres refusaient de répondre à cet appel. Comme si une brume intense les maintenait dans un état léthargique. Puis, la douleur revint languissante et taraudant chacune des parties de mon corps. Les antidouleurs ne devaient plus faire effet sur ma chair tiraillée par les points de suture. Mon regard avait du mal à se poser tant mes yeux brûlaient.
Deuxième coup de sonnette. Il fallait que je me lève. Je ne me souvenais pas à ce moment que Damien devait me rendre visite. Mon réveil avait été trop brutal et mon sommeil trop lourd pour avoir les idées en place. J’arrivais à peine à me rappeler les évènements de la journée.
Troisième retentissement, suivi de coups rapides et répétitifs sur la porte. J’injuriai déjà dans ma tête l’imbécile qui m’avait réveillée. Les chats s’étiraient et allaient déjà se poster devant la porte. Il était près de vingt-et-une heures, d’après mon portable.
– « Élise, ma puce. C’est moi, Damien. Tu peux ouvrir s’il te plait ? »
Tout me revint : le pourquoi de la visite de mon meilleur ami, les évènements de la journée, l’hôpital, Caro, Olga…
– « Élise, si tu ne me réponds pas dans la minute qui suit, j’appelle les pompiers. »
– « C’est bon, c’est bon, j’arrive », bougonnai-je en lui ouvrant la porte.
– « Oh la la, ma pauvre chérie, tu as une tête affreuse. »
– « Non, c’est juste que je dormais. Les évènements en plus des médicaments ont fini de m’achever. »
– « Je comprends », dit-il en fermant la porte. « Mais va t’allonger sur le canapé, tu dois avoir mal. »
– « Ça va encore, je vais reprendre mes antidouleurs et ça ira mieux. Adam ne devait pas également venir ? »
– « Oui, il arrive. Il est parti te faire quelques courses. Comme je sais ce que tu as chez toi, je lui ai fait une liste. »
– « Oh c’est adorable, mais vous n’auriez pas du. Vous me direz combien je vous dois ? »
– « Ta-ta-ta, tu te tais. On verra plus tard. »
– « T’es vraiment tombé sur un gars en or. »
– « Je sais, ma puce, mais sans vouloir t’offenser, ce n’est pas dans cette tenue que tu vas rencontrer le Prince Charmant. »
Je ris de bon cœur quant à sa critique sur mon pantalon de jogging. Cela me paraissait une éternité que je ne l’avais pas fait. Ces dernières heures étaient chargées d’un trop plein d’émotions en tout genre. J’avais besoin de futilité et Damien le savait. Il savait me lire et je l’en remerciais.
– « Tu peux rire mais c’est la seule tenue que j’ai pour supporter les points de suture. Ce n’est peut-être pas glamour, mon chéri, mais ça fait le job. Je ne pense pas que je serai en mesure de supporter mes jeans slim. »
– « C’est sûr. Surtout celui qui te colle tellement à la peau qu’on arrive à lire le montant du billet que tu as dans la poche. D’ailleurs, ne le mets plus avant d’avoir remusclé tes fesses. Je l’avais remarqué l’autre jour. Eh oui, la mode a aussi ses propres lois universelles et tu ne peux pas lutter contre celle de la gravité. »
Je grognai dans un rictus. Même si cela ne me faisait pas plaisir (je m’étais persuadée d’être une bombe dedans), je devais avouer que c’était le cadet de mes soucis à l’heure actuelle. Je prenais mes médicaments et l’invitais à s’asseoir à mes côtés.
La solitude (L’Amazone, Chapitre 4)
– « Alors, raconte-moi tout. Qu’est-ce qu’il s’est passé dans ce restaurant ? »
– « On va attendre Adam si ça ne te dérange pas, car je passe mon temps aujourd’hui à relater les faits. Autant ne le faire qu’une fois pour vous deux. Au fait, quoi de neuf, vous DEUX ? Tu le suis pour finir ? »
– « Tu as raison, mieux vaut l’attendre pour l’histoire. Tu dois être crevée de te répéter. »
Entre nous, ma puce, c’est une des raisons pour lesquelles je ne vais plus dans les petits restos : la bouffe est trop riche ou tu te fais prendre en otage ! »
– « Oui, bien sûr, c’est bien connu ! D’ailleurs, c’est le nouveau régime Weight Watchers : pour empêcher leurs membres de craquer, ils envoient des braqueurs de resto pour leur couper l’appétit. Et ça marche, je n’ai pas fini mon dessert. Merci Weight Watchers ! »
Mon histoire lui avait arraché un sourire. Je riais de nouveau. Toutefois, je sentais un malaise chez lui. J’étais consciente qu’il avait éludé ma question. Il ne voulait pas me donner sa réponse.
– « Tu le suis, alors. »
Il ne me répondait toujours pas. Il me regardait de ses yeux brillants, mais sans joie. Si je n’intervenais pas, les larmes allaient nous monter aux yeux. J’avais déjà versé beaucoup trop de larmes pour la journée. Pour le mois, même. Je fus étonnée de l’entendre rompre le silence en premier. Sa voix était faible et sa gorge serrée.
– « J’allais te l’annoncer ce soir avec un peu plus de joie, mais avec ce qu’il s’est passé aujourd’hui, je doute d’en avoir l’occasion. S’il t’était arrivé quelque chose, qu’aurais- je fait ? Et si je pars, qui s’occupera de toi ? Qui jouera ton faux fiancé dans les soirées au boulot ? »
– « Oh non, tu ne vas pas t’y mettre toi non plus ! Ce qui est arrivé est un incident. C’est le destin. La probabilité d’être prise dans un braquage doit être d’une chance sur un million. C’est tombé sur moi, et alors ? Je suis vivante. J’ai juste des égratignures. En termes de probabilité, cela ne peut plus m’arriver. J’ai eu ma dose de danger pour cinquante piges, au moins. Alors ne manque pas ta chance de vivre avec un mec génial dans un décor paradisiaque pour ta pote qui se colle un bleu tous les deux jours. »
– « Oui, mais cela posera des complications. Nous devrons avouer enfin la vérité à ma famille. »
– « Oui mais… Oui mais… », l’imitai-je en geignant. « Tu vas arrêter de t’inventer des excuses. Tu as la frousse et c’est tout. Tu devras bien leur dire un jour de toute façon. T’as peur de quoi ? D’être déshérité car tu es homo ? Oh mon Dieu, tu seras un pauvre gars de la finance avec un loft déjà payé qui offre une vue sur l’île Saint-Louis et qui touche un pauvre salaire d’une dizaine de milliers d’euros chaque mois, au bas mot. Ça doit être dur, dis-moi ? Et puis, qui te demande de leur dire maintenant ? Tu peux leur avouer la raison de ton départ plus tard. D’ici là, de l’eau aura coulé sous les ponts. Tu seras peut-être revenu car tu auras quitté Adam pour un jeune éphèbe Suédois. Ça te donnera l’occasion de m’offrir une superbe parure que j’ai vue chez un bijoutier, place Vendôme, et qui sera, pour ta famille, le prix que tu as payé pour me récupérer », finis-je dans un sourire de connivence.
Son visage qui s’était décomposé sous l’engouement de mes premières répliques reprenaient des couleurs. Je n’avais pas l’habitude de lui crier dessus, mais nous nous étions jurés de toujours nous soutenir ou de nous foutre un coup de pied au cul lorsque l’un d’entre nous se laissait aller. Je devais le pousser à tenter sa chance. Même si cela me coûtait mon meilleur ami, je ne pouvais pas le laisser passer à côté du bonheur. Il le méritait, aussi puéril qu’il pouvait être parfois dans nos échanges, je l’aimais assez pour le laisser partir.
– « Tu as pensé à tout, hein ? »
– « Bah en fait, je n’avais que ça à foutre pendant qu’ils faisaient un atelier couture sur ma jambe. Je n’ai vu qu’un magazine dans la salle d’attente : un Vogue des années 80. Il vantait encore la mode du fluo et des formes géométriques pour les vêtements et accessoires… J’ai préféré souffrir avec dignité. » Je fis semblant de faire trembler mon menton en prenant un air de martyre, ce qui le fit rire. J’avais atteint mon objectif : je n’avais plus à redouter ses larmes.
– « Alors, plus sérieusement, quand partez-vous ? J’espère au fait que tu n’as pas fait part de tes doutes à Adam. »
– « Non, rassure-toi. Je n’aurais pas osé. Adam part dans une semaine. Mes papiers étant prêts, suite à mon voyage de novembre au Japon, je peux le suivre dès que mon préavis au boulot sera fini, soit trois mois, ou s’ils me trouvent un poste dans une de leurs filiales. La dernière solution est plus probable. Encore ce matin, mon boss m’a demandé si mon passeport était valide et si je me sentais vraiment de partir pour plusieurs mois. Je dois avoir la réponse demain ? »
– « Et si la réponse est positive ? »
– « Je pourrais être amené à partir en même temps qu’Adam. Je peux sous-louer mon appartement rapidement. Et une fois sur place, nous pourrons avoir un logement de fonction. »
– « Une semaine ? Aussi vite ? Ça ne nous laisse pas beaucoup de temps… » J’encaissais. Comme je pouvais. J’avais le souffle court. Éberluée, je tentais de mettre des mots sur ce que je ressentais. C’est à ce moment que je compris que j’avais vraiment besoin de me retrouver en famille. Je perdais un de mes piliers sur Paris. J’avais presque l’impression de perdre une partie de moi pour l’occasion. Quelques mots auront suffi pour ressentir un énorme sentiment de solitude dans mon quotidien. Je ne sais pas ce qui se reflétait sur mon visage mais Damien s’était aperçu de mon changement d’humeur. Il me prit juste dans ses bras et me berçait doucement. Notre mutisme ne nous gênait pas. Nous étions tous deux assis sur le canapé et profitions de ces derniers moments. Je tentais de me rassurer pour prendre le dessus, ou du moins en avoir l’illusion. Après tout, il me restait le travail. Je travaillerai plus, et j’oublierai ainsi que je m’ennuie sans mon ami. La sonnette de la porte retentit à nouveau. Cela devait être Adam. Je m’arrachai à contrecœur des bras de mon meilleur ami, pour ouvrir ma porte à celui qui me le volait. En entrouvrant cette dernière, je vis le pauvre Adam, décoré tel un sapin de Noël, de sacs de courses. Il s’était même coincé les lanières d’un sac dans la bouche pour pouvoir presser le bouton de ma sonnerie avec son doigt. Malgré le poids supporté, il arrivait à me tendre un sourire contrit à la vue de mon corps abîmé. Damien se précipitait pour le soulager du poids de certains sacs.
– « Bonsoir Adam. Oh mon dieu, mais regarde un peu tous ces sacs ! Tu n’aurais pas dû. Je ne pourrais jamais manger tout ça. Dis-moi combien je te dois. »
– « Bonjour la miss. Ne t’inquiète pas, c’est pour nous. On s’invite à dîner ce soir, il est normal qu’on fasse les courses. D’ailleurs, je me charge de faire le repas pendant que tu te reposes et papotes avec Damien. » Ce type était adorable. Il ne me connaissait que depuis quelques mois mais me traitait comme sa propre amie et prenait soin de moi, tout comme Damien. Je n’aurais pu souhaiter meilleure personne pour lui. Je n’étais pas dupe sur ses intentions : il nous avait laissé seuls pour que Damien puisse éventuellement me dire au revoir. Cette attitude me confortait dans mon pire pressentiment : leur départ était vraiment imminent. Comment tout avait pu changer en une semaine de temps ?
Pour ne pas le laisser dans le doute, je décidai de le rassurer sur leur départ.
– « Damien vient de m’annoncer la bonne nouvelle. Vous devez être contents de quitter la grisaille parisienne pour le climat de Singapour. J’espère au moins que tu penseras à m’envoyer des photos de vous deux avec des décors de rêve, car Damien m’oubliera dès le deuxième cocktail avalé en terrasse. Il sera trop occupé à parfaire son bronzage », finis-je en lançant un regard malicieux à mon ami.
Rassurés que je prenne la nouvelle aussi bien, un sourire plus franc éclairait leurs visages. Je m’activai pour donner un coup de main afin de ranger les courses quand une douleur vive me traversa la jambe. Je ne me ménageais pas assez. Damien s’en aperçut. Sous ses ordres, je dus m’allonger sur le canapé pendant qu’ils s’affairaient dans la cuisine.
Je me sentais honteuse de ne rien faire, alors que j’aurai eu tant besoin de me tenir occupée pour oublier la nouvelle de la soirée. Tout comme cet après-midi, j’étais spectatrice de la scène. J’en avais plus que marre de cette sensation. Il fallait que ça change. Le meuble à mes côtés renfermait mes papiers administratifs et de l’argent liquide. J’estimai le montant des courses à vue d’œil et glisser l’argent dans la poche droite du manteau d’Adam, laissé négligemment sur le canapé. Je refusais qu’ils paient les courses. Si c’était la seule chose que je pouvais faire ou maitriser, je me devais de le faire ne serait-ce que pour ma conscience. Je les regardais déballer les courses… Mon dieu, je n’aurais plus à les faire pendant un mois.
A n’en plus douter (l’Amazone, Chapitre 4)
Très rapidement, le sujet de conversation revint à l’évènement de cet après-midi. Je me décidai à raconter encore une fois en détail le braquage du restaurant. J’eus du mal à finir mon histoire avec toutes les interruptions de Damien. Ils avaient eu le temps de ranger les courses et cuisiner le repas lorsque je concluais sur l’arrivée des ambulances. Je leur narrais aussi mon passage éclair aux urgences alors que nous mangions.
– « Attends un peu la miss, je ne te suis plus », m’interrompit Adam. « Tu es en train de me dire que tu as été témoin d’une fusillade, que des bouts de verre t’ont fait une quinzaine d’entailles sur le corps et que l’hôpital te laisse sortir telle quelle quelques heures plus tard après une simple déposition ? Et tu n’as pas vu de psy ou encore de conseiller chez eux ? »
Son regard me donnait l’impression d’être une pauvre sotte dans cette histoire. Comme si je n’avais pas compris ou enregistré une partie de ma journée et que j’avais omis certains détails. Pas très sûre de moi, j’enchainais :
– « Bah oui. Ils m’ont même laissé repartir avec mes vêtements tachés de sang et découpés pour les points de suture. Regarde dans la poubelle, tu retrouveras ma tenue du jour. »
Damien partageait l’expression de son compagnon. Il était incrédule face à cette situation. – « C’est une histoire de dingue. »
– « Ne m’en parle pas. J’avais hâte de rentrer à la maison dans ce contexte. Heureusement que l’ambulancier s’est arrêté pour me prendre mes médicaments, je n’ai pas eu à le faire en rentrant. Je savais que les hôpitaux faisaient attention à leurs frais, mais ça en devient presque dangereux. »
– « Je n’ai jamais entendu parler d’une sortie aussi rapide », insista Damien.
– « Moi non plus. Cela m’a paru étrange sur le moment, et je m’attendais à ce qu’ils me rattrapent dans le couloir lors de ma sortie en disant qu’ils s’étaient trompés de dossier et que je devais rester. »
Nous finîmes le repas en repassant certains détails du braquage. Puis nous prîmes le dessert en parlant des projets de voyage de mes amis. Je me sentais bien avec eux. Je me détendais enfin. Je profitais des derniers instants qui m’étaient offerts en leur présence avant un bon moment. Ce n’était pas la porte d’à côté.
Nous en étions sur nos tasses de thé lorsque nous étudions les différents scénarii de notre mise en scène de dernière minute pour expliquer notre rupture à la famille de Damien. Il devait leur annoncer demain. Il fallait leur monter un bateau pour expliquer notre séparation, Damien ne se sentant pas encore prêt pour leur révéler la vérité. Je respectais son choix. Nous avions opté pour la version des chemins de vie qui divergeaient en raison de nos carrières respectives. Ça marche bien pour les stars, pourquoi pas pour nous. C’est ce qui était le plus simple. Et si Damien revenait, nous pourrions toujours imaginer pour eux une réconciliation. Je gardais cette option pour moi car au fond de moi, je savais que ça n’arriverait pas de sitôt. Cette partie de la conversation était assez animée. Adam n’avait que peu entendu parler de notre « couple » officiel dans la famille de son homme. Nous lui racontions alors tous les mensonges et stratagèmes montés ces deux dernières années, ce qui déclencha beaucoup de fous-rires et réveilla de bons souvenirs. Nous finîmes par nous séparer avant minuit après de nombreux remerciements de ma part et de mises en garde de la leur. Éreintée, je repartis me coucher après avoir brièvement rangé l’appartement.
Personne n’est irremplaçable (L’Amazone, Chapitre 4)
Je me réveillais le lendemain matin vers neuf heures trente. Je n’avais pourtant pas mis de réveil mais la douleur sur mes genoux et avant-bras devenait insupportable. Je me levais donc et me forçais à prendre un petit déjeuner pour supporter la prise de mes médicaments. J’allumais la télé mais aucun programme n’attira mon attention : soap opéra, programmes pour enfants, télé achat… J’allumais distraitement mon portable que j’avais éteint pour la nuit. Je soupirais. J’avais vraiment cru pouvoir dormir plus longtemps pour récupérer. Un texto et deux messages sur mon répondeur. Le premier venait de mon frère pour prendre des nouvelles. Je lui répondais dans la foulée. Je n’avais pas encore assez émergé de mon état léthargique pour supporter les éventuels messages vocaux. Les gens criaient toujours dans leurs portables, cela m’insupportait. Mon esprit vagabondait et s’arrêta sur Caroline, Christopher et Marie. Comment allaient-ils ? Je savais que ma matinée déjà bien entamée serait occupée par ma gardienne, à qui je ressortirai une énième fois la version des évènements de la veille. Mais qu’allais-je faire cet après-midi ? Mes courses étaient faites. J’avais mes médicaments et nettoyer l’appartement ne me prendrait pas plus d’une demi-heure car je le faisais tous les jours. C’était mon côté « control freak ».
J’allais prendre une douche pour finir de me réveiller. Une fois habillée, non sans mal avec les points de suture, j’enchainais sur la vaisselle que je lavais à la main pour aider le temps à passer plus vite et préparais la gamelle des chats. J’enchaînais les gestes tel un automate. Je sentais bien que j’étais encore à côté de mes pompes.
Je me décidais enfin à écouter ce foutu répondeur. La voix du premier message était celle de Robert. Il prenait de mes nouvelles. Mes dossiers avaient été refilés aux stagiaires. Ils ne me dérangeraient pas sauf en cas d’urgence pour poser des questions sur les campagnes en cours. Je souriais. Je savais qu’il avait pensé bien faire mais je n’avais pas eu le temps de former les juniors sur certains dossiers. Cela prendrait plus d’un coup de fil. De plus, j’avais de nombreuses campagnes à lancer dans les jours à venir. Si je ne les prévenais pas, personne ne s’en chargerait.
Déjà mon répondeur enchaînait sur le deuxième message. Une voix inconnue, avec un message à peine audible avec en bruit de fond des crépitements de l’appareil. Parfait, tout ce que j’aime… Un agent du commissariat m’invitait à récupérer mes effets personnels. Visiblement le tireur était passé rapidement aux aveux. Les bijoux avaient été photographiés pour le procès et je pouvais donc les récupérer… J’étais atterrée par la rapidité des évènements. Le braquage avait eu hier. Comment pouvaient-ils rendre les bijoux et portefeuilles des victimes aussi tôt ? Même avec le tireur plaidant coupable, la procédure me paraissait anormalement rapide. Je me raisonnai : je n’allais pas me plaindre, ça me donnait une occupation pour l’après-midi. J’irai au commissariat et peut-être même au boulot. Je ne me voyais pas de toute façon rester à l’appartement sans bouger. Même si mes blessures étaient douloureuses, les antalgiques feront effet pour la journée. « Allez, Élise ! Bouge-toi ! Il faut que tu continues d’avancer. » Dans quelques temps, je n’aurais plus que mon boulot.
Il faisait moins froid qu’hier, même si j’appréciais mon écharpe et mon gros manteau. Pendant que je marchais dans les couloirs du métro pour regagner la sortie, je repensais à la conversation de matin avec Mme Marchal. Après s’être énervée contre « cette société qui part en vrille », elle s’était encore proposée pour m’aider sur les tâches quotidiennes, le temps de récupérer de mes blessures. Cette dame était un amour.
Sortie enfin de la bouche du métro, je prenais à droite : le commissariat devait être sur le côté. Gagné ! Je me réjouissais car mon sens de l’orientation était tel que je me perdais souvent deux à trois fois sur un même itinéraire avant de trouver le bon chemin… et ceci même avec le plan interactif sur mon mobile.
Je poussais la porte du bâtiment et avançais déjà vers l’accueil. Je demandai l’officier qui m’avait appelé ce matin. On me fit patienter le temps que ce dernier finisse son rendez- vous du moment. Je voyais entrer des types dont les vêtements étaient tâchés de sang et les visages tuméfiés. Encore une bagarre de rue ou de bar. Quand je voyais l’étendue de leurs blessures, je me demandais ce que je ferais si j’avais la chance d’être aussi forte. Je patientais en repensant aux évènements d’hier. Non pas à la fusillade mais à l’hôpital. Quelque chose me froissait. Je ne connaissais pas la raison de ce malaise ou tracas, je ne savais même pas définir cette sensation, mais mon esprit semblait avoir raté un épisode. Je repensais à mon admission, aux personnes croisées, aux soins donnés, mais cette sensation bizarre ne se manifestait pas lorsque je visualisais ces moments. Aurais-je oublié des papiers médicaux ? Non. Ou alors je n’avais pas pris de nouvelles d’une personne qui avait été blessée et que je connaissais ? Je récitais les prénoms de chaque collègue assis à notre table en essayant de me souvenir d’eux lors des échanges des coups de feu. Caroline, Christopher, Olga, Stéphanie… non, à priori je savais où ils étaient et ce qui leur était arrivé. Les collègues de Christopher et Olga s’en étaient bien tirés et étaient rentrés chez eux. Mais je sentais que je m’approchais. Quelque chose me titillait mais je n’arrivais pas à mettre le doigt dessus. Je me torturai tant l’esprit que je sentais une migraine se pointer. Je pris le parti de me calmer car je n’avais pas pris mes médicaments avec moi.
J’en étais là de mes réflexions quand on me reçut enfin. Deux officiers étaient présents dans la salle. Je m’adressais directement à la jeune femme. Elle dégageait une sensation de sérénité alors que son homologue masculin ne dégageait que stress et tension. Je n’attendais pas que leurs gestes ou dires confirment cette impression, je me fiais à mon intuition. Je fus assez fière de cette initiative car la jeune femme se révéla très efficace. Je ne mis que dix minutes pour récupérer mes effets – certificats de délivrance signés. Je récupérais ma montre, mes bagues et surtout mon médaillon. Gab me l’avait offert pour Noël six ans auparavant. J’y tenais. Ma journée s’éclaira enfin. Après avoir remercié les deux officiers, je rebroussais chemin en prenant la direction du bureau. Les écouteurs de mon mobile vissés aux oreilles, je laissais la voix du chanteur de Linkin Park m’accompagner dans la bouche de métro et m’insuffler un peu de son énergie par la même occasion. J’aimais me couper du monde et m’enfermais dans ma musique. Je me réinventais ma propre vie en fonction de la musique que j’écoutais. Encore cinq minutes de marche à pied. L’air froid me faisait du bien, même s’il fragilisait mes sutures.
Arrivée en bas de l’immeuble, je priai pour que les ascenseurs fonctionnent… ce qui était le cas aujourd’hui ! Plutôt soulagée de ne pas avoir à monter les quatre étages, je fouillai dans mes affaires pour trouver mon badge magnétique actionnant la porte d’entrée de l’agence. Personne à l’accueil. J’évoluai à travers les couloirs sans attirer l’attention pour atteindre les open spaces. M’assurant qu’il n’y avait aucun client dans les environs, je lançai un timide bonjour à la cantonade. Les visages surpris se tournèrent vers moi. Ils n’étaient pas ravis, juste surpris. Mon ego en prit un coup. Après tout le temps que je passais dans ces bureaux, c’est l’effet que mon retour faisait ?
Une voix de ténor gronda au fond de la pièce. Robert.
– « Qu’est-ce que tu fais là ? »
– « J’étais dans les parages, donc je suis passée. »
– « Tu vas me faire le plaisir de retourner chez toi immédiatement. Tu as un arrêt de travail pour quelques semaines au moins. »
– « Mais tu as refilé mes dossiers aux juniors sans savoir ce qui est en cours et ce qu’on doit livrer cette semaine (ce qui était vrai). Alors, je suis passée. Et puis ça sera plus efficace que de faire cette passation par téléphone. J’étais de passage pour récupérer mes affaires chez les flics », dis-je en levant mon bras pour montrer ma montre et mes bagues. » (Ceci était également vrai, même si j’avais fait pour cela un petit détour).
– « Tu m’énerves ! »
Je haussai les épaules en le fixant. Ce geste était plus éloquent qu’un « et alors ? ». J’avais gagné la partie. Je me dirigeai vers le bureau des consultants juniors pour filer les briefs et leur dire où retrouver les documents nécessaires sur le server de la société. Je dus répondre à une ou deux questions indiscrètes sur l’évènement de la veille, mais ils étaient déjà tellement en galère sur la reprise de mes dossiers qu’ils en profitaient surtout pour me poser toutes les questions relatives à ces derniers.
Je fis un rapide passage dans mon open space. Mes collègues de la veille n’étaient pas là bien sûr. Mes autres collègues purent me donner des nouvelles de Caro et Christopher. Il ne leur restait qu’à se reposer et récupérer pour entamer plus tard leurs séances de rééducation. L’infirmière ne m’avait pas menti. J’essayais d’en savoir plus sur Olga.
– « Le binoclard du cinquième n’a pas pu nous renseigner. Il semblerait que personne de son bureau n’ait pris la peine de prendre de ses nouvelles. Je ne sais pas si cela aurait porté ses fruits de toute façon. Sa mère a téléphoné à son boss ce matin car les docteurs ne pouvaient l’informer sur l’état de sa fille. Personne ne la connaissait dans le service alors qu’elle avait passé un coup de fil à sa mère la veille de ce même service. Depuis elle ne répond plus, mais elle doit sûrement se reposer, vu les évènements. »
Mon collègue Karim enchainait les blagues d’un goût désormais douteux sur les autres personnes de son équipe. Je ne suivais pas les échanges. La désagréable sensation de tout à l’heure était revenue. Je me forçais à caser ceci dans un coin de ma tête en me promettant d’y réfléchir sur le chemin du retour. Je ne voulais pas gâcher le temps passé avec mes collègues à me creuser la tête. Le maître mot du jour pour moi était de me « divertir » et c’est ce que je comptais faire. J’aurais bien assez de temps ce soir chez moi pour y repenser. Je relançais la conversation sur des sujets anodins et acceptais de répondre à deux-trois nouvelles questions sur les évènements de la veille. Je leur dis rapidement au revoir. En repassant devant le bureau de Robert, je ne pus m’empêcher de le taquiner une dernière fois alors qu’il avait le nez plongé dans des contrats :
– « Hé, je t’ai piqué un michoko dans la cuisine. »
– « Casse-toi », lança-t-il avec un sourire, sans pour autant lever le nez de son document.
Jeux de regards et traque (L’Amazone, Chapitre 4)
A peine foulai-je le trottoir à la sortie de l’immeuble que mon téléphone vibrait. Un appel de Damien, qui voulait prendre de mes nouvelles et qui s’inquiétait de ce qui pouvait me manquer. Je le remerciais encore pour les attentions de la veille et le rassurais sur mon état. J’omettais ma promenade du jour et lui fit croire que j’étais sur mon balcon pour prendre l’air frais. Idée relative quand on vit dans le centre de Paris. Mon dieu, ce qu’il allait me manquer. Sentant mon humeur se gâter, il reprit son ton faussement hautain pour me narrer ses soucis de la journée. Les préparatifs de son départ avaient pris un caractère d’urgence, car il avait appris ce matin -même, comme il s’en doutait, sa mutation effective dans dix jours. Il s’était résigné à appeler ses parents dans la matinée pour leur apprendre la nouvelle de son départ et de notre « break » au sein de notre couple. Ses parents ne comprirent pas ce revirement soudain de la situation et étaient assez retournés à la fin de l’appel. Même si c’était puéril de ma part, je fus contente de constater que je leur manquerai. D’ailleurs, à bien y réfléchir, ils allaient également me manquer, malgré leur bigoterie.
En entrant dans le métro, je me séparai de Damien. On ne captait pas toujours dans les souterrains de la ville. Je parcourais les couloirs pour rejoindre le quai de métro. A cette heure de la journée, ces derniers étaient quasiment vides. Le métro précédent venait en plus de partir. Le prochain était dans deux minutes. Je me sentais en général à l’aise sur ce quai. Il m’arrivait souvent de le prendre tard le soir. C’était plutôt safe. Mais aujourd’hui, mon cœur battait plus fort. Je me sentais suivie. Je baissai instinctivement le son de mes écouteurs et restai aux aguets. Je me retournai d’un mouvement d’épaule qui se voulait nonchalant pour guetter l’arrivée du prochain train, mais surtout pour scruter le visage des personnes qui avaient rejoint le quai. Car j’avais bien entendu des pas. Ils étaient plusieurs, hommes et femmes, à débarquer du couloir du fond. Au premier coup d’œil, aucun n’avait l’air dangereux, ivre ou trop entreprenant. Je tentai de me raisonner. Cela devait être le conte- coup de la veille dont me parlait l’infirmière. Je ne me sentais pas sur le point de craquer nerveusement mais j’aurais dû me douter que les jours suivants, je n’aurai pu être dans mon état normal. Je me forçai à respirer profondément pour calmer les battements effrénés de mon cœur. Sans savoir pourquoi, je me mis à penser à Olga. La dernière fois que j’avais eu l’impression d’être suivie, il s’agissait de ma « copine » du cinquième. Je secouai la tête en réalisant ma bêtise. A la seule mention de son prénom, la sensation de malaise se réveillait. Je n’avais malheureusement pas encore le temps de m’attarder dessus. Le train venait d’arriver à quai et je m’y engouffrai. Cinq minutes de trajet. Trois stations. Le malaise restait là, tout comme les battements de mon cœur qui ne se calmaient pas. J’avais beau scruter discrètement autour de moi, je n’arrivais pas à cerner la personne qui me donnait l’impression d’être traquée. Et puis, tous les autres occupants debout dans le wagon ne m’aidaient pas dans mes recherches. Je profitai que les portes s’ouvrent pour me fondre dans la masse de personnes qui descendait à cette station. Je pressai le pas, tant qu’il m’en était possible avec mes blessures, pour rentrer chez moi.
Une fois la grille de l’immeuble poussée, je soufflai. Je m’assurais que personne ne m’avait suivie dans ce hall. Je m’engouffrai dans l’ascenseur. Je comptais les secondes qui me séparaient de la porte d’entrée de mon appartement. Une fois devant la porte, mes mains tremblaient en enfonçant la clé dans la serrure. Enfin chez moi ! Je prenais soin de fermer toutes les serrures et cadenas de la porte. Je me savais ridicule. Même si j’essayais de me raisonner en liant cette sensation à l’agression de la veille, rien n’y faisait. J’avais un besoin de me mettre à l’abri. De me confiner. J’enlevais mes affaires pour enfiler quelque chose de plus confortable à porter, pris les chats qui semblaient énervés et me posai sur le canapé pour me forcer à souffler encore. Mes points de suture m’en remerciaient. En posant mes vêtements de la journée sur le lit, je vis que les chats avaient fait la fiesta en mon absence. Ma pile de vêtements repassés il y a deux jours étaient éparpillée sur mon lit (en même temps, j’avais deux jours pour les ranger, c’était un peu ma faute). Ils avaient dû faire une belle course poursuite car le cadre photo de Gab, mon père et moi n’était plus sur la table de chevet. Je m’apprêtais à le chercher sous le lit quand mes points de suture me rappelèrent à l’ordre. Je me ravisai pour prendre mes antidouleurs dans la cuisine. Je rangerai plus tard.
Je me préparais un verre de lait chaud tout en allumant la télé. Je zappais jusqu’à la chaine des dessins animés. J’avais de la chance, car je tombais sur une sélection des épisodes de South Park normalement suivis d’épisodes des Simpsons. Voilà qui m’aiderait à me changer les idées. J’avalai mes médicaments avec mon lait chaud et me vautrais sur le canapé. Emmitouflée dans un plaid et entourée de mes chats trop heureux de me retrouver, je regagnais doucement mais sûrement ma sérénité. Mes soucis et craintes s’évaporaient à l’écoute de leur ronronnement. Ces deux petites bêtes trouvées dans la rue avaient le don de me calmer.
Je passais la fin de la journée ainsi que le début de la soirée à zapper de chaines en chaines. Je n’avais pas envie de réfléchir ce soir. J’entrepris enfin de me laver et de changer mes pansements. Une fois sortie de la salle de bain, j’étais vannée. Je décidai de zapper le diner, ainsi que le rangement du linge sur le lit (je le ferai demain, promis), et je me glissai dans ce dernier. Ah procrastination, quand tu nous tiens… Il me fallut moins d’une minute pour sombrer.
Les incohérences (L’Amazone, Chapitre 4)
Il faisait sombre, j’étais dans un couloir. Celui d’un hôpital, je pense. Cela ne pouvait être que cela : les murs de ce couloir étaient bordés de portes ouvrant sur des chambres uniformes à la décoration épurée. Certaines étaient occupées par des personnes qui se reposaient. Elles ne semblaient pas me voir. En regardant mon reflet dans une vitre de ce couloir, je vis que je portais mes vêtements ensanglantés et découpés de la veille. À peine relevai-je la tête que je vis Christopher et Caro à soixante centimètres de moi, main dans la main. J’essayais de leur parler mais ils ne semblaient pas m’entendre. Ils débitaient un speech d’une seule et même voix. Je me tus pour les écouter.
– « Nos blessures par balle nous clouent ici pour deux semaines. Même si elles sont sérieuses, nous restons au moins deux semaines. »
J’avais envie de leur répondre que je le savais. Je voulais savoir comment ils se sentaient dans mon rêve, car je rêvais, j’en étais sûre. Ils ne m’entendaient pas. Je ne dus pas avoir la bonne réaction car leurs yeux cernés s’écarquillèrent sans me quitter pour autant du regard. Je n’eus pas l’occasion de leur demander car ils enchainaient sur le même ton énigmatique et assez flippant.
– « Nous avons besoin de beaucoup de repos, mais tu peux prendre de nos nouvelles et venir nous voir. »
Je ne comprenais toujours pas. Me reprochaient-ils de ne pas être passée les voir aujourd’hui ? Est-ce ce que ma conscience essayait de me dire ? Je n’eus pas plus de temps pour y réfléchir. Déjà leurs corps s’éloignaient en flottant sur le sol. Toujours main dans la main. Je les appelai, en vain. Seule Caro se retournait pour me lancer un regard déçu et attristé. Je n’avais toujours pas compris son message. J’avançai dans le couloir de plus en plus sombre. Les murs ne présentaient plus autant de portes menant aux chambres des malades. Je me rapprochai de la rampe mise à disposition pour les personnes âgées ou blessées pour les aider à se déplacer. Je me dirigeai vers ce qui ressemblait à des salles d’examen. Ces salles n’étaient pas accessibles, aucune porte en me permettait d’y entrer. Seules des fenêtres donnant sur ces salles jonchaient les murs du couloir. Je continuai ma progression. Mon cœur battait de plus en plus fort, mais je cherchais des détails qui pourraient me guider mais rien ne vint. Les salles étaient vides, les lumières éteintes. Si je ne trouvais pas, je n’arriverais pas à me réveiller sereinement. Je me concentrais désormais sur le sol pour me guider, tant la luminosité était faible.
Soudain, un coup énorme retentit sur la fenêtre de droite, à quelques centimètres de mon visage. Suivi d’un cri de terreur. Je crus que mon cœur s’était arrêté. Le visage livide et effrayé d’Olga se colla sur cette vitre avant que ce dernier et sa main qui avait frappé la vitre ne disparaissent la seconde d’après. Des bras musclés l’avaient arrachée à la vitre.
Je me réveillai en sursaut. Je n’eus pas le temps de reprendre mon souffle ou de vérifier l’état de mes points de suture malmenés dans l’action. Je me dirigeai déjà vers la salle de bain pour calmer les soubresauts de mon estomac, ce qui était douloureux car je n’avais rien mangé au diner. Une fois la crise passée, je me forçais à regagner mon calme en contrôlant ma respiration. Ainsi, le malaise de la journée était Olga. Les pièces du puzzle s’imbriquaient désormais dans ma tête avec facilité. Olga avait aussi été blessé par balle. On m’a pourtant interdit de la revoir et surtout de prendre de ses nouvelles les jours suivants. Ce n’était pas le cas pour Caro et Christopher, alors que leur état était plus grave. L’interne en question m’avait certifié sur le moment qu’elle pourrait sortir très vite. Alors pourquoi refuser de donner de ses nouvelles à sa propre mère ? Personne ne savait ce qui lui était arrivé depuis qu’elle avait quitté notre salle de soins et lorsque sa mère téléphonait à l’hôpital, les infirmières ne la trouvaient plus. On ne perd pas un patient. Il n’y a pas une fusillade tous les jours qui menace l’équilibre des hôpitaux parisiens. Elle n’était donc plus à l’hôpital. Mais si elle était sortie, elle aurait rassuré ses proches, que ce soit sa famille ou ses collègues, si elle ne s’entendait pas avec ses proches. Les questions bizarres posées à l’hôpital, les circonstances de son séjour, les interdictions en tout genre la concernant… ça ne collait pas avec un séjour « normal » à l’hôpital. Le mien non plus d’ailleurs. Et la terreur vue sur son visage dans mon rêve, ce n’était pas sain.
J’étais résignée. J’irai demain à l’hôpital et demanderai à la voir. Si on me l’interdisait, je me chargerais de contacter sa mère (son entreprise devait avoir son numéro) et nous irions voir la police. Ce rêve était un signe.
Je tentai de regagner mon lit après les révélations de la nuit. Il n’était que 23h30 d’après le réveil posé sur ma table de chevet. Je m’allongeai. Forte de mon nouveau plan d’action et soulagée de comprendre enfin l’origine du malaise, je me concentrai sur ma respiration. Il fallait que je dorme pour être d’attaque demain. J’aurais besoin de toute mon énergie, j’en étais sûre. Au bout d’une demi-heure et contre toute attente, je réussis à sombrer de nouveau, d’un sommeil plus léger que le précédent.
Retour >> Chapitre 3: L’échange
Suivant >> Chapitre 5: Pour Survivre
L’Amazone – Roman Fantasy – Faits et fiction
Les femmes de Lemnos (ou autre peuple de guerrières)
Un beau jour, les hommes de Lemnos qui s’étaient querellés avec leurs femmes, décidèrent de prendre pour concubines des jeunes filles de Thrace qu’ils avaient fait prisonniers lors de précédentes batailles. La raison de cette querelle ou plutôt la raison donnée pour justifier le fait de prendre de nouvelles concubines non consentantes était que leurs femmes avaient “une hygiène douteuse”. Pour se venger, ces dernières tuèrent tous les maris, ne laissant en vie que le roi Thoas, que sa fille eut la présence d’esprit de cacher puis mettre dans un bateau à la dérive. Pour continuer d’assurer la sécurité de leur cité, ces femmes portaient les armures de leur défunt mari et n’hésitaient pas à se lancer contre les navires qui accostaient afin de se défendre. Un jour, le fameux navire Argo se pointa sur les plages de ces guerrières. Jason envoya Echion dont l’éloquence était l’une de ses plus grandes qualités. Il réussit à apaiser ces femmes guerrières. La fille du roi envoya les argonautes du vin et des vivres mais leur refusa l’accès à la cité de peur que ces derniers se rendent compte du massacre que les femmes de Lemnos avaient orchestré et qu’elles ne soient toutes jugées et châtiées. La nourrice de la princesse intervint et leur proposa au contraire de s’offrir pour une nuit afin de maintenir une lignée forte de la race lemnienne tout en se plaçant sous les bons hospices de ces guerriers réputés. Ces femmes acceptèrent avec joie. Quand Jason questionna la princesse Hypsipyle sur l’absence d’hommes dans cette ville, elle lui cacha une partie de la vérité en lui expliquant que suite à une querelle, les femmes lemniennes avaient pris les armes et chassé leurs concubins. Les argonautes retardèrent un peu leur quête de la Toison d’or en s’oubliant dans les bras de ces guerrières, puis reprirent leur route, laissant derrière eux de nombreux descendants.
Les Sarmates, autre peuple de guerrières et descendants directs des amazones.
Jason avait pour mission de conquérir ce peuple qui étaient les descendants directs des Amazones emprisonnées par Hercule lors du neuvième de ses Douze Travaux. A l’époque, trois cargaisons d’amazones avaient été capturées et envoyées dans le Bosphore. En route, elles brisèrent leurs chaines et tuèrent les marins en chargent de les amener à destination. Elles s’établirent dans le pays des Scythes libres où elles capturèrent des chevaux sauvages pour les monter et ravager le pays. Les Scythes ayant découvert leur identité proposèrent de les amadouer en leur envoyant des hommes vigoureux et jeunes. Les Amazones acceptaient cette “offrande” mais ne consentirent à épouser ces hommes que s’ils se déplaçaient vers le fleuve Tanaïs. Le peuple qui découla de cet accord était les Sarmates. Ces derniers ont conservé dans le temps certaines coutumes des Amazones, dont celle qui empêchait une jeune femme de pouvoir se marier tant qu’elle n’avait pas tuer un homme au combat. Sympa la coutume locale….